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S’appuyant sur le savoir-faire d’un grand nombre
de partenaires, le travail de Sébastien Gouju
suit le fil ténu d’un imaginaire où poésie et douce ironie fonctionnent en écho. Il interroge notre environnement quotidien, les objets qui nous entourent, auxquels
nous ne prenons plus garde, les lieux communs
qui se sont sédimentés en nous génération après génération, mot après mot, image par image. L’enjeu de ce travail subtil
et exigeant réside notamment dans la mise en tension
de notre héritage culturel ; il questionne les archétypes
qui nous ont été transmis depuis notre enfance et qui fondent une pensée commune dont se nourrit l’inconscient collectif. Les œuvres de l’artiste invitent souvent le spectateur
à décaler légèrement son regard, à construire le sens
de ce qu’il voit de manière à peine différente. À la manière d’une synecdoque, chaque œuvre forge une nouvelle
représentation du monde à partir d’éléments qu’elle lui emprunte et qu’elle recompose. Ainsi, un ballon de verre (Ballon, 2002) suggérera au spectateur la même impression
de légèreté qu’un ballon d’hélium tout en accentuant,
grâce au matériau utilisé, l’idée de fragilité déjà contenue
dans le premier signifiant. Il devient, par ce décalage plastique, une vanité contemporaine. Il en va de même
pour les dessins de l’artiste. Ils font cohabiter des images provenant de sources très différentes (publicité, propagande militaire, architecture, histoire, etc.) qui, lorsqu’elles sont confrontées les unes aux autres, engendrent un nouvel espace imaginaire. La démarche créative de Sébastien Gouju
a été saluée en 2008 par le Conseil général de la Moselle qui lui a permis de bénéficier d’une résidence d’un an à Berlin.
En imaginant Garden Party, Sébastien Gouju a conçu bien
plus qu’une exposition. Il nous plonge dans l’ambiance
douce-amère de ces moments festifs et collectifs
qui ponctuent ordinairement la vie publique.
Il crée, dans les riches salons de la Galerie de la Sarre,
un décor qui nous est étrangement familier. Cheminées, guirlandes et chandeliers évoquent immanquablement
les réceptions officielles, les vernissages, ou encore les soirs de première au théâtre. C’est ainsi tout un univers culturel,
avec ses codes, ses personnages, ses splendeurs et misères,
qui est ici convoqué et interrogé. Temps fort collectif,
la Garden party à laquelle nous invite Sébastien Gouju
nous révèle également tous les jeux de masques individuels, cachant à peine l’envers du décor. La tapisserie qui égaie
les murs s’ornera donc de motifs de fleurs vénéneuses,
les candélabres nous dévoileront quelques arrière-pensées, tandis que la guirlande multicolore, qui nous rappellera sans aucun doute les « Biergärten » berlinois, semblera avoir subi les ravages d’un incendie. La pièce « Dansez ! » de Claude Lévêque, montrée au sein de l’exposition Let’s Dance (1),
invitait – ou obligeait ? – le spectateur à partager
avec d’autres un moment festif tout en révélant
quels impératifs – sociaux, moraux – s’insinuent dans chaque événement collectif. De même, les œuvres qui composent Garden Party jouent sur l’ambigüité du message,
le spectateur pouvant choisir de ne s’en tenir qu’aux apparences ou d’aller voir en-deçà, sous la surface
des objets.
(1) : L’exposition s’est tenue au MAC/VAL, à Vitry-sur-Seine,
en 2010.
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